J’attribue le terme « safraneraie » au lieu de culture, pour réserver celui de terme « safranier » ou « safranière » à la personne qui cultive le safran.
La safraneraie a été mise en place durant l’été 2012, parallèlement à l’entreprise « Safran du Morbihan » après environ une année de formation à la Chambre d’Agriculture de Vannes et un stage en Creuse pour apprendre les gestes essentiels à ce type de culture.
Cette safraneraie est installée en campagne à 15 km du golfe du Morbihan à l’orée des Landes de Lanvaux sur la commune de Grand-Champ.
Au départ, une prairie non cultivée, indemne de tout traitement, certifiée en Agriculture Biologique. Seule étape mécanisable, cette prairie a été labourée puis la terre mise au repos en attendant les bulbes.
Quatre semaines de juillet et août ont été nécessaires ensuite à la plantation des bulbes sous une météo aussi capricieuse qu’extrême cet été là, passant d’une fraîcheur revigorante souvent pluvieuse à une chaleur écrasante. Eh oui ! Nous avons connu le plein soleil à 14 heures avec des températures grimpant à 45°C ! C’est notre Bretagne, et ses merveilleux contrastes.
Travail de plantation donc, vous imaginez éreintant, suivi du creusement d’allées entre les planches de bulbes non moins éreintant car effectué à la motobineuse et à la pelle.
Les premières fleurs de ce millésime 2012 sont apparues le 7 octobre 2012 et la toute dernière a pointé son nez le 22 novembre, soit une floraison échelonnée sur six semaines.
En réalité, le démarrage de la floraison est dépendante du temps et surtout de l’abaissement des températures la nuit. L’année 2014, cette floraison n’a débuté que le 9 octobre, les températures nocturnes de septembre et de début octobre n’étant pas descendu sous les 13°C ! Par contre en 2017, les premières fleurs sont apparues le 21 septembre. Les safraniers sont donc « au taquet » dès la mi-septembre.
Par la suite, chaque année, profitant de la multiplication végétative des bulbes, la surface de culture pourra être progressivement augmentée. Cette opération est nécessaire pour laisser le sol se régénérer (le Crocus sativus étant très gourmand) mais également pour limiter l’installation de maladies fongiques sur les bulbes. Le sol sera laissé au repos presque deux fois plus de temps en accueillant une prairie ou des engrais verts ou encore des mélanges de plantes mellifères.
Nouveauté de l’année 2017, les bulbes ont tous été transférés sur une nouvelle parcelle acquise récemment, d’une surface totale de 5 Ha. Cette parcelle sera progressivement valorisée avec des arbres fruitiers : c’est mon projet Agroforesterie (qui associe des cultures et celle d’arbres, en l’occurrence, dans mon cas, la production du safran et des arbres fruitiers) que je vais développer au cours des années futures.
Obtention du Safran
Les fleurs sont cueillies plusieurs fois par jour de préférence avant l’ouverture des pétales, ce qui est très difficile à vrai dire tellement cette ouverture se fait rapidement. Après léger séchage sur la table (surtout en cas de pluie), les fleurs sont émondées : le pistil est séparé à sa base juste sous l’attache des trois stigmates entre eux. Une personne expérimentée peut cueillir 1000 fleurs en une heure mais il lui faudra ensuite 2 à 3 heures pour les émonder.
Les pistils sont ensuite séchés le plus rapidement possible pour préserver les molécules qui confèrent au safran ses propriétés si célèbres et recherchées. Les pistils doivent impérativement perdre les 4/5 de leur eau. Le contrôle se fait à la balance. Le safran sera ensuite conservé dans un contenant hermétique et inerte, à l’abri de la lumière, avec un mois de maturation avant d’être utilisé.
N’oubliez pas, c’est le séchage qui initie une réaction et la formation des molécules intéressantes du safran.
Ainsi, 1 gramme de safran sec (issu de 150 à 180 fleurs) provient de 5 grammes de safran fraîchement émondé. Ces chiffres justifient le prix du marché quasiment inchangé depuis des millénaires, et son surnom d’Or Rouge. Il est en effet plus cher que la truffe ou le caviar.
Par ailleurs, outre une plantation des bulbes et une récolte du safran extrêmement fastidieuses, physiques et consommatrices de temps et de personnes, cette culture exige durant le reste de l’année, un entretien méticuleux des parcelles : désherbages manuels, repiquage des bulbes, aération du sol pendant les périodes de végétation ou de repos des bulbes…
Toutes ces étapes se font évidemment manuellement hormis le labour effectué avant plantation des bulbes ou l’aération du sol en période de repos, deux opérations qui peuvent s’effectuer au motoculteur.
Il est également important de favoriser la venue sur les cultures des prédateurs des rongeurs (mulots et campagnols) comme les rapaces diurnes et nocturnes en installant des perchoirs, mais aussi les renards, les fouines, les martres en mettant à leur disposition des refuges naturels. En effet, les petits rongeurs sont extrêmement friands des bulbes et peuvent dévaster de grandes surfaces et impacter drastiquement la récolte unique de l’année.
Durant l’année, une partie du travail consiste donc à favoriser cette biodiversité pour qu’un équilibre se crée naturellement.